L’histoire du pont du diable a été écrite par G. Pradalié le 06-11-2006.
Cet article nous a été communiqué par l’association « Volvestre-Patrimoine », il est également paru dans le livre « LE VOLVESTRE ET SES ABORDS » édité par les éditions In-Extenso, 31310 Canens.
A quelle époque remonte le pont du diable?
Un pont d’origine antique?
C’était l’hypothèse de Gabriel Manière, archéologue et historien de la région de Cazères[1]. Devançant en 1966 la mise en eau de la retenue E.D.F. de Labrioulette, il avait fait effectuer des prélèvements de mortier dans la culée très abîmée de la rive droite. Ce mortier présenterait des parentés avec celui des citernes et des aqueducs des II-IVe siècles. Sa conviction était renforcée par l’existence, sur la rive droite de la Garonne, de gisements gallo-romains : Couladère, Tersac, Gensac, etc… Pour lui, les culées antiques auraient été réutilisées et auraient reçu une arche de briques, au Moyen Age.
Un pont médiéval?
La principale objection à l’hypothèse de Gabriel Manière, c’est qu’il n’existe pas trace d’une voie antique desservant l’ouvrage. Par ailleurs, la première mention de ce pont, appelé alors de Tersac, date de 1331[2]. On peut le mettre en relation avec le grand axe qui traverse le Volvestre d’est en ouest, de Montesquieu à Cazères, et que reprend à peu près l’actuelle D.40.
Cet axe est jalonné de sites médiévaux qui sont :
– le pont de l’Azau, dont les vestiges ont été mis au jour en 1977 et qui, comme le pont du Diable, possédait des culées de pierre et une arche de briques[3].
– le château de Laloubère qui est à l’origine un château sur motte[4].
-l’église disparue de Montbozenac, annexe de saint-Christaud, qui se dressait à l’est de Mouchès[5].
C’est cette voie qui fut empruntée par le célèbre chroniqueur Jean Froissart dans son voyage entre Pamiers et le Béarn en 1388, quand, parti de Montesquieu il se présenta devant Palaminy, puis Cazères, pour franchir la Garonne en crue[6].
Un pont moderne
Pour autant, sous sa forme actuelle, le pont du Diable est plus récent. Son arche en plein cintre et son appareil de briques en font un ouvrage des XVII-XVIIIe siècles. Il faut, pour s’en convaincre, le comparer au pont de Lajous à Rieux-Volvestre bien daté des années 1683-1688, ou au pont de Verniolle sur le Cruou (09) de la même époque.
- G. Manière, Le pont du Diable dans la commune de Saint-Christaud est d’origine romaine, Revue de Comminges, 1967, p. 1-6
- Ch. Higounet, Le comté de Comminges, de ses origines à son annexion à la Couronne, 1949, p.483, note 68
- H. Ménard et E. Abeille, Histoire de Montesquieu-Volvestre, 1980, p.34-35
- H. Ménard, Saint-Christaud, sentinelle du Volvestre, 1986, p.10-11
- H. Ménard, Eglises perdues de l’ancien diocèse de Rieux, 1983, p.160
- Chroniques de Jean Froissard, Voyage en Béarn, 1388, ed. Desplat, 2001, p.37-42
Léon Pascaly (1901/1993) natif de Gensac et félibre de Rieux nous a transmis une version de la légende du pont :
Entre Gensac et Cazères, sur la rive droite du Volp existait un vieux moulin exploité par un brave meunier dont le travail consistait à récupérer le grain qu’après mouture il livrait en farine. On utilisait un pont de bois pour traverser le Volp et se rendre au moulin. Survint une terrible crue qui détruisit ce précieux pont.
Le pauvre meunier désolé, implora tous les saints possibles, leur demandant de lui venir en aide.
Or, c’est le diable qui se présenta en lui disant : « ce pont que tu pleures, moi je me charge de te le remplacer : demain au chant du coq, tu retrouveras à sa place non un pont en bois mais en belles briques, pourtant sous une condition : que celui qui le premier le franchira, l’âme m’appartiendra… »D’accord répondit le meunier après réflexion.Le lendemain, au moment du chant du coq, le meunier trouva le pont presque achevé, il ne manquait qu’à placer quelques tuiles.
Se souvenant de la convention de la veille et, pour éviter sa damnation, il fit alors passer son chien.
Le diable pour se venger, fit arrêter la construction du pont et, à l’endroit où restait à placer quelques tuiles manquantes, il ne fut plus jamais possible de les y faire adhérer.
Ce pont depuis lors, est toujours resté inachevé.
Léon Pascaly.
Note : le moulin dit de Laguens (ou de Tersac) était situé amont du pont du diable Les ruines et les meules dans les fourrés étaient toujours présentes dans les années 1960 (avant la mise en eau de la retenue EDF)
Sur une carte postale qui a circulé (1910), l’expéditrice (Henriette L.) a noté une autre interprétation :
« Pont du Diable construit, parait-il par les farfadets en une nuit »