Les Origines de Cazères (HAUTE GARONNE)

Couverture du livre de Mr. Emile Espagnat

L’article ci-dessous est une présentation du livre « Notes historiques et archéologiques sur Cazères » d’Emile Espagnat (1845 – 1913).

    Les origines de Cazères-sur -Garonne (Caselas, Caserice) échappent aux investigations de l’histoire; ses documents anciens, égarés ou brûlés, faisant défaut (« On ne scait point l’origine de cette ville », écrivaient les consuls, au XVIIIe siècle, répondant au questionnaire de l’intendant.).

    La légende nous apprend que cette ville a été formée par une colonie gallo-romaine ou ibérienne.

    La première opinion se base sur l’existence de la voie romaine de Toulouse au Lugdunum Convenarum, traversant le territoire de cette localité; on en distingue encore les lignes générales, et on en rencontre certains vestiges. En effet, de nombreuses découvertes en monaies, armes, sarcophages faites en cet endroit, ont permis aux historiens Gantiers et Camille Monthieu de fixer le lieu de l’antique Calagorris au quartier de Saint-Cizi, de Cazères, sous l’éminence retranchée de Serres, dit le camp des Romains, ou site appelé l’Estrade, ou strata via.

    Dès lors, quoi d’étonnant de supposer qu’un groupe de familles gallo-romaines soient venues s’établir non loin de Calagorris et de la voie d’Auguste, et plus près des bords de la Garonne, à l’embouchure du ruisseau de Lourride, et par là, fonder en ce lieu la ville de Cazères. Donc, d’après cette opinion légendaire, Cazères daterait des premiers siècles de l’ère chrétienne.

    La seconde opinion qui veut que Cazères ait été, à son origine, formée par une colonie venue d’Espagne, aurait son fondement sur le rappel des multiples émigrations de l’Ibérie, dans notre contrée, proche des Pyrénées, dans les IV° ou V° siècles, à la suite des conquêtes des Visigoths, en Espagne.

    Cette dernière opinion est la plus soutenue par les historiens, et elle se base principalement sur le souvenir de ces émigration ibériennes et sur le type et les mœurs des habitants de Cazères, qui se rapprochent, d’une manière intime, du type espagnol et des mœurs de ce peuple.

    Mettant à part ces nombreux réfugiés de Tarragone ou de Lérida, qui vivent dans la localité, et principalement au quartier du Bourguet, on est frappé à la vue, à l’examen des autochtones ou originaires proprement dits, qui se distinguent par leur intelligence vive, leur ardeur chevaleresque, leur ténacité âpre, laborieuse, leur esprit mercantile poussé dans toutes les branches du commerce et de l’industrie; qui se font remarquer par un type physique aux traits fins, aux lignes régulières, au teint plutôt brun que châtain, surtout blond, rappelant la race andalouse.

    Si cette seconde opinion de la légende cazarienne était vraie, la ville ne remonterait qu’au IVe ou Ve siècle.

    Quoi qu’il en soit, Cazères est une ville fort ancienne, et une vieille commune du Moyen âge.

    Jusqu’au XIVe siècle, elle appartenait au diocèse de Toulouse. En 1318, elle dépendit de celui de Rieux, nouvellement créé; et dès lors, elle releva de la judicatrice de Rieux, de la sénéchaussée de Toulouse et de la province du Languedoc.

    Cazères était une des six villes maîtresses de ce dernier diocèse. Elle avait entrée aux Etats du Languedoc, tous les six ans, alternativement avec les cinq villes suivantes : Carbonne, Saint-Sulpice-de-Lezadois, Gaillac-Toulza, Montesquieu-Volvestre et Le Fousseret.

    Son blason était : mi-parti, à dextre, d’azur à trois fleurs de lys posées 1, 2; à senestre, de gueules à deux lévriers passant et superposés d’argent.

    Ce blason n’indique aucune ancienneté, ni aucun fait de sa vie militaire ou civile. Tout au plus, rapelle-t’il la suzeraineté du roi comme coseigneur de Cazères, par ses fleurs de lys. Quant à sa partie parlante, les lévriers, il ramène les lévriers des comtes de Foix, surtout ceux de Gaston Phoebus, seigneur de Cazères.

    Son territoire est limité de Gensac, Saint-Christaud : au levant,  par la Garonne; de Palaminy, à l’ouest; de Mondavezan, au couchant, par le ruisseau de Lourride, du Fousseret et de Lavelanet; au nord, par le ruisseau du Lamezan.

    La ville actuelle se compose se trois parties bien distinctes :
1°) de la ville vieille ou petite Barade; 2°) de l’enclos ou ville proprement dite, qui était enfermée dans l’intérieur des fortifications, ces dernières démolies et faisant place aux boulevards actuels; 3°) de la ville extérieure ou des faubourgs, au nombre de six : ceux de Villeneuve, Tarrascon, las Caouqueros, le Bourguet, la Baze et le Grang-faubourg.

    Deux portes fortifiées y donnaient accès : celles de Palaminy et du Mont.

    Les privilèges de la commune étaient d’avoir : 1° consulat, soit quatre consuls élus pas les consuls en exercice sur une liste de huit noms choisis parmi ceux de gens de bien (En 1271, on voit pour consuls : Pontius Adalberti, Joannes de Véréda, Dominieus de Grus, Bernardus Martini, qui prêtèrent serment au sénéchal du roi de France.– J’ai relevé une longue liste des consuls de Cazères, durant trois siècles.). Leurs fonctions consistaient à régir et gouverner la ville. Ils avaient puissance de la fermer de bonnes et solides murailles, en un mot de faire toutes choses nécessaires pour le profit, utilité et conservation des habitants des lieux; 2° chemin publics et fontaines; 3° marchés une fois par semaine, le samedi; et trois foires dans l’années : l’une, le lendemain de saint Thomas, apôtre, le 22 décembre; l’autre, le lendemain de saint Philippe et saint Jacques, le 2 mai; et la troisième, le 15 juin, jour de saint Sabin; 4° pouvoir de construire pont sur la Garonne, ou bien d’avoir nef bonne. et commode; 5° licence à tous les habitants de bâtir four, chacun à son plaisir et volonté, en ses maisons ou autres places convenantes; 6° pouvoir de tenir mazel en place commune de la-dite ville pour vendre cher (chair-viande); 7° affermer les communaux pour paistre les bestiaux dans les lieux fénédés ou infénédés; 8) administration de basse justice réservée aux consuls (Charles Mouthieu, Notice sur Cazères).

    L’église est composée de deux constructions formant un seul édifice. La partie moins ancienne (XIVe siècle) est l’église paroissiale proprement dite. Sa belle façade, flanquée de deux tours, a été restaurée, il y a vingt-cinq ans, par M. d’Espouy (Hector), enfant de la paroisse et grand prix d’architecture de Rome.

    Cazères avait, avant la révolution de 93, un couvent de capucins et un hospice bénédictin de Montsarrat, remontant, l’un et l’autre, au commencement du XVIIe siècle, et disparus dès 1790.

    Dès le XIIe siècle, les chartes mentionnent un château, castellum de Caselas. Il n’existe plus.

    Probablement, avant cette époque, Cazères relevait des ducs d’Aquitaine, qui dominaient alors toute la contrée.
Cependant, dès le XIIe siècle, le château appartenait à la famille comtale de Comminges.
Il en sorti, en 1139, par le mariage d’une fille, Bernade, de la maison commingeoise, avec Roger, vicomte de Béziers. Les parents de la jeune femme, Bernard et Diaz, lui donnèrent en dot les droits de propriété les plus étendus sur le territoire de Cazères, hommes, femmes, terres, usages et revenus.

    Au XIIIe siècle, Cazères relevait des comtes de Toulouse. Ainsi on voit de 1213 à 1223, Raymond VI, comte de Toulouse, être le seigneur de Cazères. Mais bientôt, le comté de Toulouse ayant été réuni à la couronne, la seigneurie de Cazères dépendit du roi.

    Vers la fin du XIIIe siècle, Cazères fut distraite du domaine de la couronne et passa aux comte de Foix. — On remarque Roger-Rotfer IV, comte de Foix, qui est l’auteur du dénombrement de la ville en 1263; — Gaston Phoebus, le plus populaire des comtes de Foix, qui tenait garnison dans le château de la ville. — Avec le dernier comte de Foix, François Phoebus, roi de Navarre, mort en 1482, sans enfant mâle, la seigneurie de Cazères fut, à nouveau, réunie à la couronne de France.

    Au commencement du XVIIIe siècle, elle s’en détacha pour appartenir à un petit-fils de la marquise de Montespan, Louis de Pardailhan de Grondin, duc d’Antin, pair de France, maréchal des camps des armées du roi, gouverneur particulier des ville et château d’Ambroise. Il donna sa fille en mariage au duc de Crussol-d’Uzès.

    Louis de Pardailhan étant mort sans enfant mâle, sa duchépairie d’Antin s’éteignit; et, dès lors, Cazères rentra dans le domaine du roi qui, par moitié, devint coseigneur de Cazères avec François-Emmanuel de Crussol, duc d’Uzès, premier pair de France, prince de Soyon, comte de Crussol, marquis de Florensac, Monsalé, Gondrin et Montespan, baron des baronnies de Vias, Aymargues, Bellegarde, Rémolin, Saint-Geniez, Cadenac, Lieuman, Peytonet et de plusieurs autres terres et seigneuries, gouverneur et lieutenant général, pour sa majesté, dans les provinces de Saintonge et Angoumois, maréchal des camps et armées du roi, demeurant en son hôtel, rue Montmartre, paroisse Saint-Eustache, à Paris.

    Le duc de Crussol-d’Uzès est le dernier seigneur de Cazères. Actuellement, Cazères est un chef-lieu de canton de l’arrondissement de Muret, département de la haute Garonne. Sa population est de deux mille sept cent soixante-dix-huit maisons. Sa superficie est de mille neuf cent soixante-quatre hectare; sa distance de l’arrondissement est de trente-sept kilomètres, et du chef-lieu du département, de cinquante-sept kilomètres. Un conseil municipal, composé de vingt et un membres dont le maire et deux adjoints, est pour la direction religieuse.

    Dans Cazères il y a : 1° une justice de paix; 2° deux écoles, l’une pour les garçons, ayant à sa tête un directeur et trois adjoints; l’autre pour les filles, avec directrice et trois adjointes; 3° un bureau de bienfaisance, deux sociétés de secours et une confrérie charitable; 4° postes, télégraphe et téléphone; 5° station de chemin de fer; 6° eau clarifiée et éclairage électrique; 7° marché, chaque samedi, et foire le deuxième samedi de chaque mois. A la saison des fruits, marchés les mardi, jeudi, samedi et dimanche de chaque semaine. Le commerce et l’industrie y sont très développés.